Enquête
Niger : Victimes de la destruction de leur habitat, les girafes sont menacées d’extinction
Les effectifs des girafes sont passés de 50 en 1996 à plus de 600 individus en 2021, grâce à une loi portant protection de la faune, classant les girafes parmi les espèces à protéger. Malheureusement, les habitats de ces mammifères sont menacés d’extinction par les sécheresses récurrentes, la pression démographique et la conquête de nouvelles terres agricoles.
Au Niger, les girafes ont profité d’un système de protection juridique favorable à leur épanouissement. En effet, depuis 1998, le pays a adopté la loi N° 98-07 du 29 avril 1998 portant protection de la faune, classant les girafes parmi les espèces à protéger. Pour renforcer ce cadre juridique, en 2019, le gouvernement a adopté une nouvelle loi visant la protection des espèces de faune et de flore sauvages. Le pays a interdit le commerce international des espèces menacées d’extension, particulièrement les girafes.
La zone de Kouré, une localité de la région de Tillabéri, située à 60 km de la capitale, Niamey, accueille dans la réserve semi désertique, les populations des dernières girafes d’Afrique de l’Ouest. Le colonel des Eaux et Forêts Maliki Alfaza, un des responsables à la Direction de la Faune, les décrit en ces termes : « Les dernières populations de l’espèce endémique Giraffa Camelopardalis Peralta sillonnent au moins quatorze (14) communes des régions de Tillabéri, Dosso et Tahoua ».
Dans les années 1990, poursuit-il, « le Niger a engagé des actions de conservation. De 50 girafes en 1996, les effectifs sont estimés en 2021 à plus de 600 individus ». L’évolution de la population des girafes dans cette zone de Kouré montre une tendance numérique encourageante et ce, parce que les girafes ont trouvé les conditions écologiques favorables à leur croissance et un apport de la population locale. Hama Sanda, un habitant de Kouré témoignage : « Au début, c’était un petit troupeau de girafes de cette espèce qui avait trouvé refuge dans notre brousse. Depuis lors, elles ont bénéficié de notre soutien et se sont multipliées ». Issa Morou, un autre habitant de Kouré ajoute : « Les girafes font notre fierté et celle du pays. Elles font partie de notre vie. Nous les avons trouvées dans la zone et nous vivons ensemble. Elles nous procurent de la joie surtout avec la présence des touristes ». Mais avec le temps, déplore Aziz Wonkoye, un habitant de Dantchandou, l’habitat des girafes est détruit ou rétrécit. « Cette situation engendre la cohabitation conflictuelle entre les girafes et les populations locales. Laquelle est caractérisée par des tensions causées par les ravages des cultures par les girafes. Ce ravage est en grande partie engendré par la déforestation et la dégradation de l’environnement ».
L’action de l’homme menace maintenant leur existence
En dépit de multiples actions de conservation entreprises par les autorités et les populations locales, les girafes restent soumises à des pressions d’ordre démographique et du changement climatique. « Avec le changement climatique et la dégradation de l’environnement, la cohabitation avec la population locale reste le plus souvent conflictuelle. Elles sont en compétition avec les habitants car les essences forestières qu’elles mangent sont cueillies par les hommes qui les vendent et utilisent le bois domestique », indique le colonel Maliki.
Niandou Boureima, un habitant de la commune de N’Gonga ajoute que « dans le passé, l’espace cultivable avait été laissé aux girafes pour le pâturage ». « Mais aujourd’hui, la croissance de la population entraîne une occupation de plus en plus importante de la terre. Il y a une véritable compétition pour la conquête de l’espace entre l’homme et la girafe », ajoute-t-il. Pour Himo Morou, « les girafes vivent en troupeau le plus souvent d’une dizaine d’individus, mais restent éloignées les unes des autres. Du fait, qu’elles avalent facilement tout ce qu’elles mangent, elles ne font des dégâts dans les champs et jardins ».
Seyni Sadou, un guide touristique de kouré, explique que la girafe est habituée à son espace : « A la recherche de nourriture, la girafe attaque le niébé et le manguier dans les champs et jardins et rend la cohabitation difficile ». Et Aziz Wonkoye, un habitant de Dan Tchandou, de préciser que « des projets avaient été initiés pour accompagner les forgerons pour une reconversion afin qu’ils abandonnent l’habitat de la girafe. Et les femmes victimes de ces dégâts ont, à un certain moment, profité des soutiens pour entreprendre des petites activités génératrices de revenus ».
Dans cette zone, toute l’année, la girafe se déplace entre le Dallol Bosso et les plateaux de Kouré. Pour réduire la pression grandissante sur l’habitat des girafes entraînant le déboisement, l’Association pour la sauvegarde des girafes du Niger travaille sur le terrain pour soutenir les populations locales résidant dans la zone afin de favoriser la préservation des camélopards. A N’Gonga et Harkanassou, nous avons assisté à une séance de remise de crédits aux groupements des femmes pour mener des petits commerces. L’Association fait le suivi des girafes et de leur habitat, la sensibilisation et le soutien aux villageois et l’implication des hommes dans la gestion de la préservation des girafes et les femmes bénéficient des crédits AGR », a indiqué Assan, un des responsables de ladite Association.
Quid de la situation sécuritaire ?
L’insécurité à laquelle le Niger est confronté depuis deux décennies n’est pas sans conséquence sur la survie des girafes et de toutes les actions de conservation. En 2020, six humanitaires français d’une Organisation Non Gouvernementale avec leur guide et leur chauffeur nigérien ont été tués dans la zone de Kouré où ils se sont rendus pour visiter les girafes. Cette zone, qui abrite les dernières girafes d’Afrique de l’Ouest, est en effet devenue une zone touristique depuis le début du programme de sauvegarde de l’espèce. Mais à cause de l’insécurité qui affecte la zone, elle est classée « zone rouge » et interdite d’accès aux étrangers, notamment aux occidentaux.
« Depuis l’attaque du 9 août 2020 où les humanitaires français ont été tués, je suis au chômage. Il n’y a plus de visiteurs dans la zone. On ne gagne absolument rien », explique Ousseini Idrissa, un guide touristique de Harkanassou. Puis, Amina Adamou, une des femmes qui mènent des activités de petits commerces, déplore cette situation : « L’absence des visiteurs a engendré une perte énorme pour nous, population locale, qui exerçons des petits commerces. »
La relocalisation, une solution
Pour réduire les menaces contre les girafes, les autorités ont opté en 2018, pour la délocalisation de huit girafes dans la forêt classée de Gadabedji dans la région de Maradi. Elle couvre environ 76 000 hectares dans la pointe nord de la région de Maradi, au nord de Dakoro et au sud de la frontière avec la région d’Agadez. La réserve de faune de Gadabedji est une réserve naturelle qui a été créée le 25 avril 1955. Cinq ans après ce transfert, trois parmi les cinq girafes femelles transloquées de la zone girafe de Kouré à la réserve de biosphère de Gadabedji ont mis bas. Aussi, le 11 novembre 2022, les autorités ont décidé de relocaliser quatre girafes dans cette réserve de Gadabedji.

Un groupe de girafes rencontré à Birdinga dans la commune de Harikanassou.
Enquête réalisée par Souleymane BRAH avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO)
Enquête
Lac de Guidimouni : un écosystème en péril sous la menace du changement climatique
Près de 100.000 habitants dépendent des eaux du Lac de Guidimouni, dans la région de Zinder. Mais aujourd’hui, ce réservoir de vie est en train de s’épuiser. Résultat, pertes de revenus des producteurs, insécurité alimentaire croissante et exode des jeunes vers le Nigeria et/ou la Libye. Derrière ce constat alarmant se cache une catastrophe écologique silencieuse, qui menace de faire disparaître à la fois un écosystème et tout un mode de vie.

Vue partielle du Lac de Guidimouni / Ph : M. ALI
Un site stratégique entre maraîchage et survie communautaire
Situé dans le département de Damagaram-Takaya, région de Zinder, le Lac de Guidimouni ou plutôt les mares de Guidimouni, comme les appellent certains chercheurs, regroupe deux plans d’eau essentiels à la vie socio-économique locale. La proximité du Lac avec les habitations a permis, depuis des décennies, la pratique du maraîchage, de la pêche et de l’élevage. D’après les chiffres de l’INS, la commune de Guidimouni compte en 2022, environ 99.774 habitants pour une superficie de 1.123 km². Ces populations, sédentaires ou nomades, dépendent fortement de ces mares pour leurs besoins quotidiens en eau et leurs activités économiques.

Localisation de la cuvette de Guidimouni et de son bassin versant à l’échelle de la commune. (BADAMASSI MALAM ABDOU Moutari, 2023, Dynamique actuelle de la cuvette de Guidimouni et ses conséquences socio-environnementales, Master de Géographie, Département de Géographie, Université André Salifou (Zinder), 77 pages)
Pour Maman Bachir Moudi, Chef du Service communal de l’environnement et de la lutte contre la désertification à Guidimouni, le phénomène d’ensablement du lac a fortement impacté les revenus des producteurs agricoles. « Les terres arables sont progressivement perdues, envahies par le sable charrié et entraîné dans le bassin. Un producteur qui gagnait autrefois entre 700.000 et 800.000 FCFA ne perçoit aujourd’hui plus que 300.000 FCFA », explique-t-il.
Mallam Moudaha est producteur maraîcher et pêcheur, habitant de la rive droite du Lac de Guidimouni et natif de la localité. D’après lui, le Lac représentait la principale source de revenus pour les populations de Guidimouni. « Sur ce lac, nous pratiquions le maraîchage et la pêche, qui occupaient une place centrale dans la vie de notre communauté. La pêche, notamment, était une activité très répandue chez les jeunes. Aujourd’hui, la situation s’est fortement dégradée. L’avancée du désert a rendu les terres autour du lac impropres à l’agriculture ».
Avec l’augmentation rapide de la population, les terres cultivables se font de plus en plus rares. « Autrefois, les familles étaient moins nombreuses et les cultures leur suffisaient à subvenir à leurs besoins. Aujourd’hui, certaines familles ne parviennent même plus à vivre trois mois avec les récoltes agricoles », fait observer Mallam Moudaha. Comme si cela ne suffisait pas, l’avancée du désert empêche toute culture de contre-saison. Ces cultures étaient pourtant essentielles pour compléter les récoltes agricoles et maintenir un certain équilibre dans leurs moyens de subsistance.

Formation végétale de la cuvette / Cliché. Badamassi Malam Abdou Moutari
« Ce qui m’inquiète le plus aujourd’hui, ce sont les activités économiques. Autrefois, les familles tiraient d’importants revenus de la revente et de la transformation des produits maraîchers jusqu’à 600.000 FCFA par producteur et par saison. Mais à présent, ce sont des milliers de dattiers, de goyaviers, de papayers et de citronniers qui disparaissent peu à peu, victimes d’un phénomène climatique que nous ne comprenons toujours pas, ce qui réduit nos revenus », déplore Baba Dan Kako, producteur maraîcher et pêcheur, natif du village Killaloun situé à la rive gauche du Lac Guidimouni.

Images des dattiers et de citronniers autour du Lac de Guidimouni autrefois / Crédit Photo : https://visit-niger.com/listing/le-lac-de-guidimouni-zinder-niger
Toujours selon Baba Dan Kako, beaucoup de jeunes, de 18 à 35 ans, n’ont eu d’autre choix que de partir. Ils s’exilent vers le Nigeria et la Libye à la recherche d’activités génératrices de revenus, pour pouvoir envoyer un peu d’argent à leurs familles restées au village. Leurs parents vivent aujourd’hui dans une grande précarité alimentaire. « Cette situation ne peut pas durer. Si rien n’est fait, si aucune solution durable n’est trouvée, nous serons tous, un jour ou l’autre, contraints de quitter cette terre que nous aimons, emportés par cette catastrophe écologique et climatique », explique-t-il.
Le 21 octobre 2025, nous retrouvons Moussa Souley dans une petite ville du nord du Nigeria, où il vend désormais du café au bord d’une route poussiéreuse. À 28 ans, ce jeune originaire de Guidimouni n’aurait jamais imaginé quitter son village et son lac. « Là-bas, je vivais de mon jardin et d’un petit champ près du lac », raconte-t-il. Grâce aux cultures maraîchères et à la saison agricole, Moussa gagnait en moyenne 300.000 FCFA par récolte, de quoi subvenir modestement à ses besoins et soutenir sa famille.
Mais ces cinq dernières années, tout a basculé. « La terre s’est asséchée, l’eau a reculé, et les récoltes ont disparu », confie-t-il, le regard perdu. Les variations climatiques autour du lac Guidimouni – baisse du niveau d’eau, sols appauvris, vents violents et manque de pluie – ont réduit son exploitation à néant. « Nous avons essayé de tenir, mais chaque saison était pire que la précédente. On n’avait plus rien », ajoute Moussa Souley.
Face à l’impossibilité de vivre de son travail, Moussa a fini par partir, laissant derrière lui sa famille et ses terres. Comme beaucoup de jeunes de la zone, il a pris la route vers le Nigeria dans l’espoir de trouver un revenu et de reconstruire sa vie. « Je ne suis pas parti parce que je voulais. Je suis parti parce que la nature nous a chassés », dit-il avec amertume.
Des transformations écologiques alarmantes
Depuis 2017, « les deux plans d’eau sont devenus permanents, conséquence directe des bouleversements climatiques », explique Maman Bachir Moudi, Chef du Service communal de l’environnement. « Leur configuration évolue rapidement, modifiant les équilibres naturels et économiques, poursuit-il. Le site fait désormais face à une série de menaces environnementales : érosion éolienne et hydrique, remontée des températures, inondations répétées, perte de biodiversité ».

Vue des pêcheurs en activité sur le Lac de Guidimouni / Ph : M. ALI
Selon Maman Bachir Moudi, l’autre problème majeur consiste en l’envahissement d’une large partie de la surface du lac par une plante aquatique invasive, Typha australis, appelée localement « Katchalla ». Cette prolifération affecte directement la communauté de pêcheurs, qui compte plus d’une centaine d’acteurs à Guidimouni et dans les villages voisins tels que Koussa et Goui-Goui. Sous l’effet du vent, le Typha déplace facilement les filets de pêche, entraînant la perte des engins et du matériel, ce qui fragilise davantage ces populations dépendantes de cette activité.

Vue du Typha australis dans le Lac de Guidimouni / Ph : M. ALI
La déforestation autour du lac Guidimouni accentue la vulnérabilité de l’écosystème face aux effets du changement climatique. Selon le Coordonnateur du projet de Régénération Naturelle Assistée (RNA) dans le Bassin du Lac Tchad, M. Souleymane Amadou, les pratiques de gestion durable des ressources naturelles restent encore limitées, alors même que la RNA constitue une solution simple, peu coûteuse et efficace pour restaurer la couverture végétale et stabiliser les sols.
Avec l’appui du Projet de Conservation du Bassin du Lac Tchad (PCBLT), 30 paysans pilotes issus des 9 villages autour du lac ont été formés et accompagnés dans l’adoption de cette technique, permettant de favoriser la repousse naturelle des arbres, protéger les berges et renforcer progressivement la résilience des communautés riveraines. « Restaurer la végétation, c’est protéger le lac et l’avenir des populations qui en vivent », souligne le Coordonnateur.

Vue des Palmiers Doumiers dans le Lac de Guidimouni / Ph : M. Ali
Quelles solutions pour atténuer les effets ?
Selon le Chef du Service des Eaux et Forêts en poste à Guidimouni, Maman Bachir Moudi, des actions urgentes et coordonnées sont nécessaires pour sauvegarder le lac et renforcer la résilience des populations. Parmi les solutions envisagées, la restauration du couvert végétal autour du lac et sur les bassins versants figure en tête des priorités. La mise en place de diguettes, cordons pierreux et plantations d’espèces locales vise à réduire l’érosion des sols, améliorer l’infiltration des eaux de pluie et freiner l’ensablement.
Maman Bachir Moudi encourage aussi le développement de pratiques agroécologiques et agroforestières, permettant aux riverains de diversifier leurs sources de revenus tout en réduisant la pression sur le lac. Des activités alternatives comme l’apiculture, le maraîchage maîtrisé ou l’écotourisme peuvent offrir de nouvelles perspectives économiques.

Un pêcheur ayant pêché un gros poisson sur les abords du Lac de Guidimouni / Ph : M. ALI
Le Lac de Guidimouni, longtemps source de vie, est aujourd’hui au cœur d’un drame écologique silencieux. Sans une action concertée, urgente et durable, c’est tout un écosystème et une population qui risquent de disparaître. Ce cas emblématique illustre les défis immenses que pose le changement climatique en milieu sahélien.
Enquête réalisée par Mounkaila ALI avec le soutien de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO) dans le cadre du Programme Sahel.
Enquête
Migration des femmes africaines d’Agadez vers l’Europe : L’espoir d’une vie paisible brisé en fantasme !
Vaste pays de l’Afrique de l’Ouest, le Niger couvre une superficie de 1.267. 000 km2 dont 2/3 est désertique. Ces dernières années, la question de la migration notamment irrégulière est l’un des défis auxquels le pays est confronté. En effet, le Niger est à la fois un pays d’origine, de transit et de destination de la migration. Le pays partage 5.697 kilomètres de frontières avec ses six voisins dont l’Algérie et la Libye, le plaçant ainsi au centre des mouvements migratoires de l’Afrique surtout de l’ouest et du centre.

photo Dr (une vue des migrants abandonnés dans le désert)
La région d’Agadez située dans le Nord Sud du pays est la capitale cosmopolite où tout candidat à la migration est obligé de séjourner. Selon les données publiées par l’organisation internationale pour les migrations (OIM), entre 2016 et janvier 2025, le Niger a enregistré un nombre total des migrants (entrant et sortant) de l’ordre de 7. 683. 863 personnes. Pour la seule période de janvier 2025, 160.989 migrants sont sortis du pays tandis que 115.175 migrants sont rentrés.
Cependant, au cours de leur aventure souvent périlleuse, les candidats à la migration sont confrontés à d’énormes obstacles. Entre abandon dans le désert du Sahara, torture et humiliation par les passeurs, beaucoup sont arrêtés, emprisonnés dans les centres de rétention en Algérie ou en Lybie avant d’être expulsés dans le désert à la frontière avec le Niger. Parmi eux, on trouve des femmes, des filles et des enfants mineurs nigériennes et aussi des autres nationalités africaines. Ces migrantes subissent d’énormes difficultés comme les violences sexuelles et basées sur le genre, les abus et exploitation et la traite des personnes. Pourtant, la protection des droits humains surtout des migrantes doit être une préoccupation pour les Etats.
Si certains migrants ont fui la pauvreté ambiante, le chômage pour chercher une vie meilleure et une opportunité d’emploi notamment en Europe, d’autres pourtant quittent leurs pays d’origine à cause des conflits et des instabilités politiques. Dans la plupart de cas, les récits de ces migrants notamment les femmes, les filles et les mineurs ne sont toujours pas racontés et ou déformés de leurs réalités. D’où la nécessité de donner la parole à ces braves femmes qui bataillent pour mener une vie paisible.
Malgré les périls : L’idéal c’est l’arrivée à destination !
Agadez, la capitale de l’Aïr est une veille ville historique où depuis des années, les migrants, les réfugiés et même les demandeurs d’asile en transit soit en partance pour l’Europe, soit au retour après leur refoulement cohabitent ensemble avec la population locale. Issus de plusieurs nationalités, chaque femme migrante à son propre vécu. Si certaines connaissent les risques et se sont préparées et déterminer à rejoindre l’Europe via la Lybie ou l’Algérie au prix de leurs vies, d’autres en revanche se sont inspirés des histoires des succès racontées des autres migrantes surtout les investissements réalisés au pays d’origine pour entreprendre le voyage.

Photo Dr ( migrants secourus par les fds)
Rencontré dans un ghetto, une maison où la plupart des migrants en transit séjournent avec la bénédiction des passeurs, Amélia est une femme d’origine ghanéenne. A peine la trentaine révolue, elle a quitté son pays d’origine, traversant les frontières terrestres des autres pays jusqu’à Agadez au Niger. Les multiples procédures en cours de route ne l’ont pas découragé de poursuivre son rêve : « J’ai longtemps rêvé d’aller vivre en Europe pour tenter ma chance. Je connais beaucoup de ghanéens qui ont réussi dans la migration. Pourquoi dois-je m’empêcher alors que tout est possible dans la vie. Il faut simplement avoir un objectif et se donner tous les moyens de l’atteindre. Déjà en cours de route, j’ai suivi pas mal de problèmes surtout les raquettes ». A la question de savoir si elle est au courant du calvaire et autres altercations au cours du voyage surtout dans les pays magrébins, Amélia répond : « certes, il y a des soucis partout et le plus souvent ce sont ces problèmes au quotidien qui poussent beaucoup des africains à quitter et à s’aventurer dans la migration. Tout de même, certains arrivent à traverser et à réussir en Europe ».
Tout comme Amélia, Gloria est une jeune fille nigériane qui attend le convoi pour le voyage. « Je n’ai aucune idée de la route. Ce sont mes contacts qui m’ont mise en relation avec les passeurs d’Agadez. Ils sont censés m’amené en terre algérienne et pour le moment j’attends. ». Pour son premier voyager sur l’Algérie, elle fonde beaucoup espoir : « C’est vraiment un rêve. Avant le covid 19, on avait planifié de partir mais la pandémie a chamboulé notre programme. Depuis 2023, avec la reprise des activités sans risque des passeurs, mes contacts m’ont encouragé à les rejoindre. Ça fait dix jours que je suis à Agadez et espère qu’on va bientôt partir ». Es-tu au courant que lors du voyage ou sur place en Algérie, les femmes subissent des violences y compris sexuelles ? Elle me répond : « Celui qui décide d’entreprendre ce genre d’aventure doit s’attendre à tout y compris la mort. Pour moi, ce voyage ne se prépare pas en un seul jour. Il peut y avoir des difficultés mais l’essentiel c’est aller à destination ».
Si les rêves de Amélia et Gloria, c’est d’aller jusqu’en Europe, l’aventure de la nigérienne Aichatou Issa s’arrête en Algérie : « Nous partons en Algérie pratiquer la mendicité, si vous partez avec des enfants, vous avez la chance de gagner beaucoup d’argent parce que les arabes donnent de l’aumône ». Savez-vous que le voyage est risqué et que vous pouvez perdre votre vie ? « Beaucoup ont perdu la vie dans le désert et même sur place en Algérie. Mais bon, il faut trouver le moyen de vivre. Malgré les difficultés, beaucoup de mes connaissances se sont réalisés dans les zones de Tahoua et Zinder. A chacun son destin et sa chance ». Comment le fonds sont mobilisés ? Aichatou réplique : « tout dépend de la personne. Certaines sont soutenues au niveau de la famille, d’autres vendent leurs biens, et il y a celles qui exercent des petites activités y compris la mendicité à Arlit ou à Agadez pour mobiliser l’argent ».
Vivre dans l’humiliation : le quotidien des migrants en Lybie et en Algérie !
En Algérie comme en Lybie, les migrants africains sont exposés à toute humiliation. S.Htémoigne que :« les femmes travaillent dans des maisons en tant qu’aide-ménagère ou garde enfant. Comme vous êtes à leurs services et qu’ils sont les maitres, beaucoup abusent parce que vous n’avez pas le droit de parler ou disons de contester quoi que ça soit. En dehors de la violence psychologique, le plus souvent, les femmes sont forcées sexuellement ». Une pratique abusive dénoncée par le président de l’ONG JMED Hamidou Nanou Nabara « ces pays maghrébins malgré un certain nombre d’engagements internationaux et même l’adoption de la convention relative aux droits des migrants, sur le terrain, on se rend compte qu’ils ne respectent pas du tout les engagements et font des migrants des objets de manipulation pour leurs partenaires ».

Photo Dr ( migrants assistés par les agents de l’ONG Karkara)
Pire, les femmes, les filles et les mineurs ne sont pas épargnés dans les violences. A.I en est une victime de ces transgressions « En Lybie, il n’y a aucun respect de l’être humain. Torture, abus sexuels, vols…le plus grand risque est que lors de votre détention, ils prennent tous vos biens et puis ils vous forcent à appeler la famille afin de pays la rançon. Beaucoup sont victimes de rançonnage ».
Pour Abdoul Aziz Chégou, responsable de la JNSDD Aikin Kasa, Coordonnateur de Alarme Phone Sahara, la plupart sont arrêtés lors des enlèvements sur le terrain ou leurs lieux de travail : « A l’issue de rafles, les économies sont arrachées en même temps que les objets de valeur tels que des vêtements, des appareils électroniques, des articles de valeur, etc. pour le seul fait d’avoir mis pieds dans un territoire dont la personne n’est pas originaire. Ces genres de traitement à la limite trop subjectifs sont à n’en point douter contraires aux principes de respect de droits humains contenus dans des instruments juridiques de portées nationale, sous régionale et même mondiale. Cela donne la sensation de chair de poule à toute personne dotée de bon sens et renvoie à des souvenirs amers remontant à des époques à jamais révolues ». Pour lui de tout temps, l’être humain a voyagé et cela ne doit pas être une contrainte : « Il suffit juste de parcourir des documents d’histoire pour se rendre compte qu’il y a quelques décennies de cela le plus gros des mouvements d’êtres humains se faisaient des autres continents vers l’Afrique ou de la partie septentrionale du continent africain vers le sud. Aujourd’hui, il est aberrant que ce soit une population composée majoritairement de jeunes, d’adolescents et d’enfants qui subissent le poids du racisme et de la maltraitance sous diverses formes comme si les autochtones de ces pays ne voyagent pas au-delà de leurs frontières nationales. Quoi que l’on dise, le déplacement de l’être humain sur la terre date de millions d’années. L’Homme a depuis son apparition sur terre eu les faveurs de se mouvoir par l’usage de ses membres dont il a été doté, à dos d’animaux ou grâce au progrès techniques et technologiques que ce soit sur terre, en mer ou dans l’espace. Quel qu’en soit le reproche que l’on puisse faire à un être humain, la violation de ses droits doit être bannie ».
Le refoulement des migrants brise l’aventure des migrants !
Malgré l’accord bilatéral entre le Niger et certains pays comme l’Algérie, ce pays continu de refouler les migrants ouest africains vers la frontière avec le Niger. « Dans ma vie, je n’ai jamais pensé qu’un être humain peut maltraiter son prochain de la façon dont nous avons été malmenés. Imaginez, en dehors des violences psychiques, nous avons été abandonnés comme de mal propre en plein désert, sans eau ni nourriture » a affirmé S.A
Ce témoigne ne surprend guère, le responsable de l’ONG Alarme Phone Sahara, qui en 2024, a recensé un nombre record des migrants expulsés d’Algérie vers le Niger. Ce nombre dépasse de loin toutes les statistiques des années précédentes. « Les assistances que nous faisons aux refoulés sont diverses et varient selon les besoins réels que nous constatons sur le terrain à Assamaka, à Arlit, à Agadez et à Niamey. Les mêmes personnes peuvent être assistées sur plus d’un besoin à la fois. Nous pouvons sensibiliser ou conseiller ou même offrir de l’aide sous forme de transport, de référencement ou de fois de rations alimentaires ou faciliter la communication entre elles et leurs proches. A travers cette multitude d’activités, nous pouvons dire que nous avons touché plus de 31.000 personnes de janvier à décembre 2024 comme nous l’avons publié dans notre rapport de fin d’année 2024 » a indiqué Abdoul Aziz Chegou Coordonnateur de Alarme Phone Sahara.

Photo Dr ( case de passage offert par l’OIM aux migrants à Bilma)
L’organisation internationale pour les migrations a aussi mis en place un système d’assistance aux migrants. Selon les données consultées dans son bulletin mensuel « Infosheet- Niger, janvier 2025 », l’organisation a fourni une assistance directe aux migrants en transit dans les sept centres.
Sur la période de 2016 à janvier 2025, on peut retenir :
| Année | Nombre |
| 2016 | 6248 |
| 2017 | 9099 |
| 2018 | 20 056 |
| 2019 | 18 534 |
| 2020 | 10059 |
| 2021 | 12 137 |
| 2022 | 17 145 |
| 2023 | 15 067 |
| 2024 | 15 781 |
| 2025 | 477 |
Ces organisations travaillent au quotidien avec les services de l’état civil et de la migration pour assister secours à ces migrants en détresse. Cependant, l’expulsion et la maltraitance ne désamorcent pas certaines : « Mon rêve est écourté mais je reste convaincue que mon jour viendra. Pour le moment, je n’ai aucune intention de retourner au pays. Je reste travailler soit à Agadez ou dans une autre localité du Niger pour mobiliser le fonds nécessaire » affirme Emmanuella.
Ce genre d’engagement et de détermination amène le coordonnateur de Alarme Phone Sahara à s’interroger sur les raisons de cette aventure « « Je profite pour demander à tous les africains de quelque pays, de quelque race ou ethnie, de quelque religion et de quelque origine sociale à s’interroger sur les raisons de la désertion des bras valides des contrées et des centres urbains vers d’autres cieux. Pour ma part, je peux citer entre autres causes l’acculturation, l’inadaptation de systèmes éducatifs, la mauvaise gouvernance, l’injustice, l’accaparement des terres productives, le terrorisme savamment développé, la mauvaise identification de projets de développement, le complexe d’infériorité, le manque de considération de compétences locales autodidactes, l’inadéquation profil-emploi dans tous les secteurs sociaux, l’égoïsme, le tribalisme, le clanisme, la contusion, la corruption et le passe-droit ».
Pour Manou Hamidou Nabara de l’ONG JMED, « la situation critique de la jeunesse surtout le chômage combiné a un certain radicalisme de certains migrants sont autant d’éléments qui les poussent à s’engager avec la ferme conviction qu’ils vont réussir comme certains de leurs compatriotes ».
L’apport des migrants dans l’économie de leurs pays d’origine
Il est vrai que la migration à ses côtés négatifs mais la majeure partie des migrants contribuent au développement de leurs pays d’origine. Selon les statistiques de la Banque Mondiale, les remises migratoires à destination de l’Afrique subsaharienne ont augmenté de 6,1% en 2022 pour atteindre 53 milliards de dollars. Dans des pays comme le Sénégal, le Nigéria et le Mali, les migrants participent au développement du pays.
« Derrière chaque migrant se cache plusieurs individus. Dans certaines communautés, ce n’est plus une histoire de personne mais plutôt de famille. Et vous vous êtes surpris de voir qu’en cas des problèmes, les familles se débrouillent pour sauver nos vies. En effet, chaque migrant prend en charge un important réseau familial dans son pays d’origine grâce au transfert des fonds » indique avec une certaine fierté et un soulagement F. K, une migrante de nationalité camerounaise.
Beaucoup d’études ont démontré que la migration peut aussi être bénéfique pour la femme en ce sens qu’elle peut avoir une expérience positive et d’améliorer ses conditions de vie. Si elle apprend un métier, elle peut mettre en place une entreprise, créer de l’emploi et renforcer son autonomie. Aussi, vivre dans un autre pays, peut l’amener à avoir des expériences positives. « Certaines de mes compatriotes avec qui nous étions ensemble ont accepté le retour volontaire de l’OIM. Certes, il n’est pas dit qu’il faut nécessairement aller en Europe pour réussir mais seulement les conditions de vie et de travail ne sont pas les mêmes. Aussi, les opportunités pour toutes les catégories. Pour moi, en étant en Europe, c’est plus facile de gagner sa vie et de soutenir les autres » estime Amelia.
La question de la migration irrégulière des femmes est un sujet qui demeure d’actualité puisqu’elles sont en quête de voyager et surtout parmi les expulsés. Pourtant au-delà de la protection de leurs droits dans un contexte des violences, il y a lieu de continuer à travailler et assurer l’effectivité des droits de chaque citoyen. Cela relance le débat au moment où les autorités nigériennes ontà travers l’ordonnance 2023-16 du 25 novembre 2023 abrogé la loi 2015-36 portant criminalisation de certaines activités liées à la migration irrégulière.
A Agadez, l’on remarque que les activités de la migration ont lentement repris mais sans atteindre son développement d’antan qui jadis donnait un réel espoir à ses acteurs.
Ce reportage a été réalisé par Souleymane Oumarou Brah dans le cadre du projet Informa, soutenu par l’Union Européenne.
-
Culture3 mois ago
CANEX Fireside Chat : Khaby Lame une source d’inspiration pour la jeunesse africaine
-
Santé3 mois ago
2ᵉ édition du forum Oxy-Jeunes : 30 jeunes ambassadeurs des 4 communes de Mayahi engagés en faveur la nutrition
-
Société4 mois ago
Société : Déclaration des Alliances de la Société Civile du Niger en faveur de la nutrition
-
Finance3 mois ago
IATF 2027 : Le Nigéria accueillera la 5eme édition de la Foire commerciale intra-africaine
