Enquête : Les déchets plastiques et les inondations à Niamey : Facteurs clé du dérèglement climatique

Les déchets plastiques constituent un problème environnemental majeur et sont une source de pollution durable et dangereuse. Selon les rapports nationaux sur l’Etat de l’environnement au Niger 2021, un nombre important de sachets plastiques jetables est distribué chaque jour au Niger. En termes de déchets plastiques non recyclés produits, c’est 290 000 tonnes qui sont déversées chaque année au Niger. Ainsi, la ville de Niamey, produit chaque jour, (en raison de 0,75 kg/déchets/habt/jour) environ 1.125 tonnes de déchets composés essentiellement de sable (54%), matière organique (31%), plastiques (5%), papier carton (3%) et autres. Seulement 60% sont évacués hors de la Ville de Niamey, le restant à savoir 40% (450tonnes) reste dans la ville servant de remblai, ou dans les caniveaux.  

A Niamey, tout est emballé dans des sachets plastiques. Ces derniers continuent d’envahir les rues et les cours d’eau pour s’agglomérer autour des voies d’assainissement, ou se voir transportés par le vent et charriés par le ruissèlement des eaux des caniveaux. En effet, la croissance démographique, l’urbanisation galopante, les modes de production et de consommation non maitrisés font augmenter les déchets urbains. De surcroit les déchets plastiques ! Cela n’est pas sans conséquence sur la vie des êtres qui vivent dans un tel environnement. Selon M. Mahamadou Moubarak, géographe de formation :’’la pollution fluviale qui provient principalement du plastique a un impact terrible sur les espèces fluviales’’. Elle nuit à l’économie et à l’approvisionnement alimentaire des communautés qui dépendent de la pèche. Car dira-t-il : ‘Le plastique peut blesser des minuscules organismes comme le plancton, dont les gros animaux dépendent pour se nourrir. Si des petits organismes sont empoisonnés en ingérant du plastique, les animaux qui les mangent consommeront également des toxines’’. Le plastique endommage non seulement le fleuve mais aussi les sources d’eaux souterraines.  Sur la terre ferme ‘’les déchets  que transporte le vent  dans l’environnement peuvent rester coincés dans les arbres, les clôtures. Explique M. Moubarak selon lequel, ‘’Lorsque les animaux entrent en contact avec ces déchets plastiques, ils risquent de consommer des toxines où de s’emmêler dans le plastique et de suffoquer’’. Aussi, poursuit-il, ‘’ lorsque le sachet  est brulé à l’air libre, il libère de grandes quantités de toxines qui polluent l’air. Si les toxines sont inhalées pendant une longue période, cela peut entrainer des problèmes respiratoires. 

Il suffit de faire un tour dans les 5 arrondissements communaux de la ville de Niamey pour constater qu’aucun quartier n’est épargné par l’envahissement des déchets plastiques. Mme Kadi Ousseini, la quarantaine, habitante du quartier Cité Députés n’en voit pas plus d’usage qu’elle n’en fait : ‘’ Moi, j’ai toujours utilisé le sachet plastique lors de mes achats au marché. Après utilisation, je les jette à la poubelle. Après, il y a un ramasseur qui vient à la maison les ramasser afin de nous en débarrasser moyennant la somme de 2000 FCFA/mois’’. Si Kadi paie pour ramasser les ordures, à l’instar d’ailleurs de toutes celles qui bénéficient des services de ramasseur d’ordures, ce n’est pas le cas de plusieurs autres qui jettent leurs déchets directement dans les caniveaux. Ce qui n’est pas sans conséquences sur leur environnement. ‘’Les caniveaux sont très bas, c’est à dire en dessous du niveau du sol. C’est qui fait que les déchets que le vent transporte se retrouvent dans les caniveaux obstruant le passage des eaux usées déversées des concessions’’ ; témoigne Mme. Zakari FATI, habitante du quartier Gamkallé. Ce genre de spectacle s’observe au quartier Bangabana situé dans le 5ème arrondissement communal de Niamey, les caniveaux obstrués transformés en gites larvaires par les moustiques.  Dans ce quartier situé sur la rive droite du fleuve Niger, la santé des riverains est plus que menacé.  M. Hama Tondi tire la sonnette d’alarme :’’ Il est vraiment temps pour nous de se ressaisir’’ car, dit-il, ’’si l’on doit attendre les autorités, on ne pourra jamais changer les choses et finalement c’est nous qui allons ramasser les pots cassés’’. Dans un autre quartier de la ville, Dan Zama Koira, les habitants sont confrontés surtout au manque des caniveaux d’évacuation des eaux usées. Ici les déchets plastiques sont entassés à l’air libre.

Dans le souci de faire face aux problèmes de gestion des déchets plastiques, l’ONG SAHEL AID a permis de développer des initiatives privées et communautaires. Selon son coordonnateur M. Diarra Adamou OUMAROU, le passage des collecteurs des déchets plastiques moyennant la somme de 2000 FCFA ci-dessus décrit par Mme Kadi Ousmane rentre dans le cadre de la mise en œuvre du projet communautaire de gestion des ordures ménagères par l’ONG (SAHEL AID) qu’il dirige.  Ce projet compte 3000 ménages bénéficiaires dans deux arrondissements communaux de la ville de Niamey, à savoir les arrondissements communaux I et II.  La collecte de ces sachets ramassées se fait de deux façons, a-t-il précisé : « tout ce qui est flacons plastiques et ferrailles sont sélectionnés et revendus et les autres ordures sont évacuées au niveau des décharges officielles ».

Une autre ONG impliquée dans la gestion des déchets plastiques c’est GVD Afrique. Ici, on veut donner une seconde vie aux déchets plastiques. Un centre de collecte, de tri et de transformation a même été créé à cet effet. Selon son directeur M. Moussa Dogo, on en fabrique des pavées, des dalles, des caniveaux, des latrines, et même des panneaux, voire des toilettes et des classes entières, sans oublier aussi des objets de décoration. De plus en plus de personnes sont intéressés par la transformation des déchets plastiques.  Depuis 2015, l’entreprise TaZolt s’y est spécialisée. Lauréat lors de la compétition numérique nationale E-Takara, TaZolt recycle les déchets pour les transformer en objets utiles. Son responsable Moussa Sidi  nous informe que le ramassage des ordures est véritable secteur pourvoyeur d’emplois. La preuve, son entreprise emploie 25 femmes qui font la collecte et sont payés par mois en fonction de la collecte en raison de 50 f le kg. Il décrit ainsi la procédure de collecte et de transformation en ces termes : ‘’ Ces déchets récoltés sont triés pour garder les plastiques souples. Ensuite, ils sont placés dans une fondeuse fabriquée localement’’. A partir du produit ainsi obtenu, l’entreprise TaZolt produit des tables bancs pour école, des bancs publics, des chaises, des tables de bureau, des portes et fenêtres, au rythme de 160 kg à 220 kg de déchets plastiques fondus et transformés en matière première chaque jour.   

La gestion de ces déchets plastiques est vitale pour une ville comme Niamey, au regard des conséquences que peut engendrer un laisser-faire. Issiakou Alzouma, expert environnementaliste donne toute la mesure des conséquences en l’absence d’un système efficace de collecte des déchets plastiques :’’ l’utilisation des déchets utilisés comme fertilisants mélangés aux sachets plastiques contribuent à la réduction du taux d’infiltration d’eau dans le sol et ainsi faisant à la baisse de rendement agricole’’.

Dans le but d’arrêter carrément l’importation et la vente du sachet plastique sur le sol nigérien, l’ONG la Concorde dans son combat ‘’Agir plus vite pour un Niger sans sachets plastiques’’ a mené un plaidoyer qui a été remis aux élus nationaux. Porteuse de cette initiative, l’honorable députée Hadiza Seyni, ancienne vice-présidente de l’Assemblée nationale explique : ‘’Vous n’êtes pas sans savoir qu’au Niger, la prolifération des déchets plastiques est l’un de nos grandes préoccupations. Il faut arrêter l’importation de ces déchets plastiques dont les dangers sont avérés pour la vie humaine, animale et végétale. D’où notre engagement dans ce combat. Et tant que nous continuerons à en importer, nous ne serons pas à l’abri des dangers qu’ils causent. M. Sani Ayouba, acteur de la société civile qui milite en faveur de l’environnement déplore l’inapplication de la loi n°2014-63 du 5 novembre 2014. L’Etat, dit-il, ne peut pas vouloir arrêter l’importation tout en continuant d’en tirer profit à travers des taxes douanières liées à cette importation. Plusieurs actions tendant à sensibiliser et interpeller sont engagés par les acteurs de la société civile nigérienne sur les dangers des déchets plastiques, a laissé entendre Sani Ayouba à travers un programme qui consiste à créer des clubs verts au sein des établissements scolaires afin de promouvoir l’éducation environnementale dans ce milieu. ‘’L’une des activités phares de ces clubs porte la gestion des déchets plastiques. Nous organisons des cafés sciences et des thés débats dans les universités où on essaye de montrer la responsabilité de tout un chacun face à l’utilisation du sachet plastique’’, a-t-il détaillé. Pour le colonel Boukari Koura Yagana, lors de l’importation des sachets plastiques sur le sol nigérien, la douane doit :’’ avoir des équipements permettant de déceler les sachets plastiques biodégradables des non-biodégradables, avant leur introduction sur le sol nigérien. C’est comme cela que le Niger peut arriver à interdire l’utilisation des sachets plastiques au Niger.

Les autorités municipales ne sont pas en reste dans la lutte contre les déchets plastiques.  M. Nourridine Laouali, directeur général de la Salubrité Urbaine et de l’Amélioration du cadre de vie de la ville de Niamey dira que 4 principes président à la gestion durable des déchets plastiques dans la capitale : la prévention-valorisation-élimination, la sensibilisation, l’application du principe « pollueur-payeur », et le rôle prédominant des collectivités locales parmi les acteurs de la filière. Comme défis et perspectives, sa direction promet d’amener la population à un changement de comportement, de promouvoir le partenariat public-privé dans le domaine, de créer une taxe écologique pour financer la gestion des déchets et d’aménager une décharge contrôlée pour chacune des 4 grandes villes du Niger (Niamey, Maradi, Zinder et Tahoua). Au niveau étatique, on n’entend pas rester les bras croisés.  ‘’L’Etat du Niger doit accompagner en votant davantage un budget conséquent pour la gestion et la valorisation des déchets ‘’, a déclaré Mme Garama Saratou Rabiou Inoussa, ministre de l’Environnement et de l’Assainissement Durable dans sa communication faite lors de la session du Conseil des Ministres en juin 2021 lors du conseil des ministres en date du juin 2021. Dans un rapport de trois 3 pages présenté à cette occasion, elle a proposé des actions opérationnelles tendant à inverser la tendance dont, entres autres, l’amélioration du climat d’affaires de manière à inciter le secteur privé à investir dans un partenariat gagnant-gagnant avec l’Etat et/ou les collectivités et l’équipement des services de contrôle en matériels de détection de qualité de la qualité des sachets et emballages en plastiques. Le lieutenant-colonel des Eaux et Forêts Coulibaly Adamou, directeur du cadre de vie et gestion de déchets du ministère de l’Environnement ne manque pas de relever les efforts de l’Etat pour réduire les dégâts liés aux sachets plastiques. Selon lui, la loi est en train d’etre révisée pour ne permettre que le plastique biodégradable ».

Dans ce combat, l’Agence de Modernisation des Villes du Niger (AMV-Niger), travaille sans relâche sur deux registres en termes d’expérience pilote contre les déchets plastiques, a laissé entendre Moctar MAMOUDOU, Directeur de ladite agence qui promet une révolution dans ce sens. Lui aussi pense à la solution alternative de sachets biodégradables.

 Cette enquête réalisée par Ousmane RACHIDA, fait suite à l’atelier de Renforcement des capacités des 12 journalistes Nigériens sur les nouvelles approches d’investigations environnementales basée sur des données et sensible au changement climatique organisé au Niger par l’Institut Panos Afrique de l’Ouest (IPAO) dans le cadre du projet ‘’Open climate reporting initiative’’(OCRI).