De la Situation Qui Prévaut Actuellement au Niger

D’emblée, il me plait de faire cette mise au point. Je ne suis ni pour X ni pour Y, mon seul parti politique, c’est le Niger. Néanmoins, je ne blâme personne du fait de son appartenance politique. Une fois que cela dit, rentrons dans le vif du sujet. Le mercredi 26 juillet 2023 vers 00 heures (heure de Niamey), un groupe d’officiers nigériens se faisant appeler Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) annoncent à la télévision nationale la suspension des toutes les institutions issues de la 7e république, l’instauration d’un couvre-feu et la fermeture des frontières terrestres et aériennes jusqu’à nouvel ordre.

Le communiqué a été lu par le Col. Major Amadou Abdrahame. Comme à l’accoutumée, la phrase « fétiche » selon laquelle je cite « l’armée a décidé de mettre fin au régime que vous connaissez » n’a pas manqué au rendez-vous. Au matin du 27 juillet 2023, des déclarations ça et là de certains membres du gouvernement déchu et de certains acteurs de réseaux sociaux (journalistes, analystes politiques, leaders politiques, etc.) se multiplient infirmant les propos des putschistes et par la même occasion, semer de doute dans l’esprit des uns et donner une lueur d’espoir chez les autres. En tout état de cause, si ce coup de force se confirme, il vient s’ajouter à la longue liste des coups d’Etat dont le Niger avait connu de son indépendance à nos jours. En effet, on peut citer le coup d’Etat de 1974 perpétré par le Conseil militaire suprême (CMS) contre le président Diori Hamani, le coup d’Etat de 1996 conduit par le Conseil de salut national (CSN) contre Nafarko, le coup d’Etat de 1999 conduit par le Conseil de réconciliation nationale (CRN) contre le président Baré Mainassara et enfin celui de 2010 conduit par le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) contre le président Tandja Mamadou. Les motivations de ces remises en cause de l’Etat de droit et de la démocratie diffèrent d’un coup d’Etat à un autre. Néanmoins, il importe de préciser que quelque soit les motivations, un coup d’Etat est en principe toujours condamnable. Mais cela ne peut en aucun cas empêcher de s’interroger sur les réelles motivations ou raisons d’un coup d’Etat et surtout analyser les comportements, attitudes et le jeu d’acteurs qui se font suite à son accomplissement. Pour ce qui est du dernier datant du 26 juillet 2023, les putschistes le motive avec ces termes : « Cela fait suite à la dégradation continue de la situation sécuritaire et la mauvaise gouvernance économique et sociale… »

Il est vrai que pendant plusieurs années, le Niger est victime des attaques terroristes récurrentes non seulement dans la région de Diffa, mais aussi dans la zone de Tillabéry et bien d’autres contrées occasionnant des centaines de décès et dans certains cas provoquant un déplacement massif des populations laissant derrière leurs maisons, champs, bétails et autres biens. Ce qui n’est pas sans conséquences sur leur mode de vie quotidienne et leur quiétude sociale. Mais cette situation justifie-t-elle la prise du pouvoir par l’armée ? N’y a-t-il pas un autre mécanisme populaire ou institutionnel de résoudre ce problème ? Qu’est ce qui explique cette culture de coup d’Etat au Niger ? Les coups d’Etat peuvent-ils être considérés comme un mode de régulation de l’Etat de droit ? En quoi les coups d’Etat peuvent-ils être un frein pour le développement socioéconomique d’un pays ? Il s’agit là autant des questions que beaucoup de nigériens se posent et qui méritent des réponses et d’analyses profondes. Du côté de la population, selon que l’on soit pour ou contre le régime déchu ou particulièrement la personne de Mohamed Bazoum, les attitudes changent. Alors que certains (militants, leaders politiques, journalistes, etc.) condamnent ce qu’ils appellent la déstabilisation des institutions républicaines et traitent la junte militaire de tous les noms d’oiseaux, d’autres se réjouissent et ne cachent pas leur joie, voyant en cela une occasion de régler leur compte avec le régime renversé tout en justifiant cette joie par certaines tares comme la corruption, la politisation de l’administration, l’insécurité, la mauvaise gouvernance, le clanisme ayant caractérisés le régime renversé. Nous pensons que rien ne peut justifier le chaos qui est en train d’être installé à Niamey et la chasse aux sorcières des militants des partis déchus. En vérité, que l’on soit pour ou contre le coup d’Etat, les logiques qui sous-tendent les comportements des uns et des autres sont purement personnelles, individualistes et mesquines. Nous semblons être face à des militants qui n’ont aucun fondement idéologique et patriotique et dont la seule véritable préoccupation est la défense de leurs intérêts et ceux de leurs proches, animés par des considérations ethno-régionalistes. Ceux qui aujourd’hui fustigent le coup d’Etat l’ont à un moment donné de l’histoire encouragé, voulu et applaudi et vice versa. Peut-être que les gens ont la mémoire courte, mais beaucoup se rappellent des déclarations et même des marches de soutien à l’endroit des auteurs des coups d’Etat au Niger. Ce qui est malheureux, c’est de constater que les jeunes qui sont sensés apporter un changement et qui sont considérés comme l’espoir de demain sont les catégories les plus utilisées dans des manœuvres politiques. J’agis lorsque je suis sûr des retombés. J’agis pour défendre un parent ou un proche. J’agis parce qu’on m’a promis un poste. J’agis pour défendre ma région ou mon ethnie. Pendant ce temps, le pays en paye les pots cassés.  Jeunesse nigérienne, réveillons-nous !

ELHADJI BACHIR Sani Hamet, Doctorant en sociologie, University of Sakarya/Turquie