L‘accès de la femme de Birni N’Gaouré au foncier : Des obstacles socio culturels pèsent sur les droits

Selon les données de l’Organisation des Nations Unies (ONU), les femmes représentent moins de 20 % des propriétaires fonciers au monde et moins de 5% de tous les propriétaires fonciers agricoles d’Afrique du Nord et d’Asie de l’Ouest, tandis qu’en Afrique sub-saharienne, elles comptent pour 15% en moyenne. Au Niger, la problématique de l’accès de la femme au foncier se pose avec perspicacité. En effet, pour acquérir et posséder le foncier, la femme nigérienne malgré les textes adoptés rencontre des obstacles socio-culturels. Cet article s’intéresse à l’accès des femmes du département de Birni N’Gaouré dans la région de Dosso au foncier. Il s’agit particulièrement des difficultés qu’elles rencontrent dans la possession de la terre après le décès de leurs conjoints et/ou de leurs parents biologiques. Cette situation a pour conséquence les conflits au sein des familles et l’aggravation de la vulnérabilité de ces dernières au sein de la société.

Le calvaire des femmes victimes de la non rétrocession de la terre

Au Niger, selon les coutumes les femmes n’ont pas les mêmes possibilités d’accès à la terre que les hommes. Cela se constate sur le terrain car plusieurs femmes sont victimes de refus de leurs parents de posseder de leurs terres. Veuve et orpheline de son état Mariama Hassan est enfant unique de ses parents, après leurs décès, elle a eu toutes les difficultés du monde à hériter de son foncier : « Pour partager l’héritage, un conseil de famille a été convoqué. Mon oncle a confié ma part d’héritage à mon neveu et à mon beau père ». Malheureusement regrette t’elle : « Mon problème a commencé au moment où mon fils est devenu adulte. J’ai demandé à mon beau père et à l’oncle de me remettre les champs afin qu’on puisse cultiver avec le jeune homme.  Mais ils ont carrément refusé et le beau-père s’est permis de nous chasser de la maison.  C’est en ce temps que ma voisine m’a conseillé de porter plainte auprès du chef de Canton de Birni N’gaouré. Au niveau du Chef, faute de conciliation, nous avons été renvoyés à la justice. Deux ans après nous faisons de vas et vient au tribunal mais aucune décision. Fatiguée et sans avoir le moyen de prendre un avocat pour me défendre, je remets tout dans les mains de notre seigneur ».

A l’image de Mariama Hassan, Hadjo Lasso, une autre veuve et mère de deux enfants est victime de cette pratique de déshérité la femme de la terre. « Aujourd’hui cela fait quatre ans que mon mari est décédé. Après la période de viduité nous attendons le partage de l’héritage mais son frère m’a fait savoir que dans notre coutume les femmes n’ont pas droit à la terre. Et pour mes enfants, c’est encore lui qui va garder leur part en attendant qu’ils soient des adultes. J’ai opposé un refus catégorique, qui a malheureusement engendré la division au sein de la famille ». Inna Desso, la quarantaine révolue est également confrontée aux mêmes souffrances. « Depuis la disparition de mon père, mes frères refusent le partage de l’heritage. Je suis toujours en attente et espère qu’ils vont accepter de me remettre mes champs. Pire, même après la récolte, je ne reçois rien et à cause des pesanteurs sociaux, je crains d’être indexé par la population de vouloir entrainer mes frères devant la justice ».

La coutume prime sur les textes en la matière

L’une des dispositions de la loi N°2018-37 du 1er juin 2018, fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger en son article 73, stipule « qu’en cas de litige foncier, le partage équitable prôné par la loi des compétences juridiques, se réfère à la coutume des concernés ou à la religion ». Aussi, au niveau du code rural, le décret No 2021-747/PRN/MAG du 09 septembre 2021 portant adoption du document de la politique foncière rural du Niger a fixé des axes qui prennent en compte le droit des femmes d’accès aux fonciers.

Selon Madame Omar Zouera ingénieure agro-environnementaliste au secrétariat permanent national du code rural, au Niger, les textes du code rural évoquent que tout nigérien a droit à la terre sans discrimination de sexe et d’origine social. Cependant, dans la pratique le plus souvent le texte n’est pas respecté. « En majorité lors du partage d’héritage la femme est marginalisée. Dans un premier cas, c’est elle qui décide de laisser sa part a son frère ou à son oncle parce qu’en cas de divorce elle revient chez son frère ou son oncle à la maison familiale ». Ensuite, « même si elle a accès elle n’a pas le contrôle et parfois ce n’est pas productive c’est à dire pendant la saison sèche et a la saison hivernale elle doit le rendre à son frère. Dans un autre cas la femme est déguerpie à cause de cette insécurité foncière or elle est présente dans les travaux de la production jusqu’à la transformation alimentaire ».

Pour pallier à cette difficulté et permettre à ces femmes d’avoir des lopins, la chefferie de Birni N’Gaouré a trouvé une formule indique Soumana Hassan Beidi, Secrétaire permanent de la commission foncière départemental de Birni. « Dans le département de Birni, les femmes sont plus engagées dans les travaux champêtres et pour trouver des solutions le défunt chef de canton a réuni les différents groupements féminins pour les confier des terrains qu’on appelle des terres de chefferies autour de Birni. Et ces groupements s’organisent pour distribuer et travailler en sous-groupe. Par exemple, sur les 10 hectares, les 8 sont exploités par les femmes ». Du côté de la Mairie, l’option de la sensibilisation est plus privilégiée pour amener la population à bien cerner les textes et les respecter. Selon Mamane Amadou, 2eme vice maire de la commune de Birni N’Gaouré, le problème d’héritage est un sujet très sensible, raison pour laquelle « nous sensibilisons les gens que le partage d’héritage se fait sous l’angle de la charia en présence des marabouts. Même sur le plan juridique, nos textes nigériens reconnaissent le droit de la femme d’avoir accès au foncier ».

Les organisations féminines et les leaders des religieux s’accordent à défendre ce droit

Présidente du groupement le rassemblement démocratique des femmes du Niger (RDFN),Madame Hima Fatimatou travaille sur la politique foncière pour aider les femmes à posséder de leurs terres. « En tant qu’actrice de la société civile nous sommes en train de suivre cette politique foncière pour qu’on octroi plus de faciliter aux femmes et surtout l’application des textes. Nous aidons les femmes à connaitre leur droit et l’importance des pièces d’états civils afin de faciliter la tâche dans la sécurisation foncière de leur terres ». Pour ce faire, ajoute-t-elle « Nous avons créé une plateforme d’associations féminines qui intervient dans le domaine foncier appelé initiative femme pour le foncier partout où les textes sont violés nous intervenons pour défendre les victimes pour que la femme ait accès à la terre ».

Le prédicateur Oustaz Haladou Yahaya s’inscrit dans cette logique de sensibilise les gens sur les textes. « Dans certains coutumes la femme n’a pas d’héritage car sa vie matérielle devient confondue à celle de l’homme or en islam c’est tout autre chose. En effet, la femme peut heriter de tout ce qui vient de la succession biens immobiliers, les champs comme les maisons. Ça été dit dans la sourate quatre souratoul nissah verset onze quatroze Allah a indiqué la règle générale du partage au sens ou l’homme a le double de celui de la femme ». Au prédicateur d’ajouté, contrairement à certains qui interprètent les textes « En islam pour épouser une femme il faut quelqu’un de responsable comme témoin mais quand la femme a des problèmes elle se tourne vers son frère. En tant que musulman c’est l’ignorance qui amène tous ces problèmes et la méconnaissance du coran ».

Malgré l’adoption des textes qui consacrent ce droit aux femmes, l’on constate la persistance des pesanteurs socio culturels qui compliquent cette possession de la terre par les femmes. Le témoignage de ces trois femmes de Birni N’Gaouré prouve à suffisance que ce problème est loin d’être résolu et que l’accès total de la femme à sa terre n’est pas pour demain.

Mamata Abdoulaye Saleye