Scolarisation de la jeune fille au Niger : Le parcours atypique de kourciya Ibrahim la protectrice de la cause des jeunes filles de Fouroumi

Au Niger, dans beaucoup de localités, une fille sur deux ne va pas à l’école et/ou abandonne en cours de scolarité. Cette discrimination arbitraire est longtemps cautionnée et entretenue par la société notamment en milieu rural. Déjà dernier en terme du classement de l’indice du développement humain (IDH), la non scolarisation de la jeune fille aggrave la situation du pays qui enregistre le taux le plus élevé de fécondité au monde (7,6) enfants par femme. En effet, bon nombre de jeunes filles ont un talent hors pair, le plus souvent leur avenir est brisé et leur droit bafoué au profit singulièrement de mariages précoces.

Nonobstant ce triste constat, il y’a des hommes et femmes qui se mobilisent en faveur de la scolarisation de la jeune fille. C’est justement le cas de kourciya Ibrahim, la trentaine dépassée, la brillante élève exclue de l’école à l’âge de treize (13) ans et donner en mariage à son cousin Badamassi Garba regrette amèrement cette page douloureuse de son parcours. Aujourd’hui, elle se bat au quotidien pour voir accomplir le droit à l’éducation de tous les enfants de son village natal Fouroumi dont elle est la protectrice. Mère de sept (7) enfants dont trois filles, Kourciya tient dur comme fer que l’école est la seule alternative pour l’épanouissement, la réussite et le développement de chaque enfant. Au-delà de sa famille, elle se mobilise pour accompagner, soutenir et sensibiliser toute la communauté sur l’importance de laisser les enfants poursuivre leurs études. Grâce à son engagement et sa détermination, son Fouroumi natal à aujourd’hui des jeunes filles diplômées dont une infirmière et une enseignante.  

Dans les lignes qui vont suivre, il s’agit de relater le portrait de cette ancienne élève ayant abandonné le banc au bas âge, devenue maintenant la protectrice de la cause des enfants notamment de la jeune fille.

Fouroumi est l’un des gros villages administratifs de la commune rurale de Gouna, département de Mirriah dans la région de Zinder. L’école de ce village situé à 15 km au Sud du Chef-lieu de ladite commune a été créée en 1987. Au village de Fouroumi comme dans la plupart des localités du pays, le système éducatif à des disparités significatives entre filles et garçons. Selon les données statistiques, plus de 50% des enfants de 7 à 16 ans sont en dehors de l’école, et le taux d’analphabétisme de la population âgée de 15 ans et plus est autour de 70%, un des plus élevés de la sous-région (PDES, 43). De plus, le taux net de scolarisation au primaire et de 65% (61% pour les filles) et le taux d’achèvement de 73% en 2017 (Banque mondiale).

S’agissant des jeunes filles, en dehors des pesanteurs socioculturels, d’autres facteurs avancés dont la distance à parcourir, les moyens financiers des parents, le mariage précoce, les violences sexuelles et le risque des grossesses non désirées entravent la scolarisation de la jeune fille.

L’école de Kourciya ou le destin d’une enfance brisée

Inscrite à l’école à l’âge de six (6) ans, Kourciya a suivi son parcours jusqu’à l’obtention de son Certificat de Fin d’étude du premier Degré (CFEPD) à douze (12) ans. C’est à partir de ce moment que le problème de la jeune innocente a commencé.  Très sereine et avec un regard frileux, kourciya se souviens : « En principe je devrais aller au Collègue de Dogo pour poursuivre mes études en 6eme. Malheureusement, mes parents ont évoqué à notre Directeur un certain nombre des raisons dont le problème de tuteur et le manque de moyens financiers pour m’exclure et me marier ». Cette dernière ajoute : « Un de mes enseignants Saley Salissou était venu dire à mon père, qu’il va lui-même partir à Dogo trouver une famille d’accueil pour m’héberger. Mais hélas, mon grand-père a rétorqué qu’il n’est pas question de laisser une fille de mon âge toute seule ». C’est delà que mon sort a été scellé et avec la jeunesse, je ne savais pas que mon avenir a été brisé. « Déjà après la récolte, j’ai été mariée à mon cousin avec d’autres filles de mon âge. Je ne pouvais pas fuir le village et/ou refuser le choix de mes parents au risque d’être maudite par la famille et rejeté par la société. »

L’engagement et la prise de conscience de Kourciya

L’éducation est à la base de tout développement. Elle contribue à l’épanouissement de l’individu et au développement du pays.« Éduquer une femme, c’est éduquer toute une nation » a-t-on coutume de dire. Avec son certificat en poche, la mère de sept enfants a bien compris qu’il ne fallait pas commettre la même erreur.  « J’ai compris que le mariage n’est pas si simple que ça. Je n’ai aucun revenu permanent et mon mari non plus. C’est pratiquement la survie au niveau de la famille surtout pour prendre en charge les besoins des enfants. ».  Seulement, au niveau du village, dès qu’il s’agit de mettre en place quelque chose un comité (arrivée des associations et projets) je suis mise devant parce queje sais lire et écrire. « C’est de là que j’ai conclu qu’il faut non seulement éduquer mes enfants et saisir chaque réunion pour sensibiliser les femmes surtout qu’après chaque récolte les hommes quittent le village pour l’exode. Ils nous laissent avec nos enfants ».

Consciente que l’école participe à l’émancipation de la jeune fille et aussi garantit son avenir kourciya précise que. « Aujourd’hui, même si beaucoup reste à faire, le village à plusieurs filles qui poursuivent leurs études au collègue de Karayé. Mieux, nous avons des diplômées dont une enseignante et une infirmière». L’école est un moyen pour offrir une chance de réussite à chaque enfant notamment aux filles ». « Je fais ce combat pas pour ces jeunes filles mais pour la génération future. Dans les années prochaines, je ne souhaite pas voir une fille en train de souffrir ou de regretter son avenir. ». Pour cela conclue t’elle « Nous sommes dans une société où ce sont les hommes qui prennent les décisions. Pour que ce combat aboutit, le soutien des hommes est indispensable ».

Au Niger, 77% des filles sont mariées par leurs familles avant l’âge de 18 ans, dont 28% avant l’âge de 15 ans a rappelé le président de la République dans son discours d’investiture le 2 avril 2021. Pour renforcer le maintien des filles à l’école et réduire les stéréotypes et les perceptions négatives par rapport à l’éducation de la jeune fille, le pays a pris une loi portant l’école obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Pour permettre le plein épanouissement de ces filles, le cas de kourciya doit faire école. Les actions de sensibilisation doivent être intensifiées afin de donner la même chance aux filles.

Oumarou Brah Souleymane